J'avais
cet article en tête depuis plusieurs mois mais je trouvais toujours
une bonne raison de le remettre à plus tard… Des échanges
récents, en famille, avec des amis m'ont incité à le mener à son
terme…
LA FRANCE EST MALADE DU PARTI SOCIALISTE...
Je vois déjà les commentaires : excessif comme d'habitude,
c'est trop d'honneur pour un parti déjà fossilisé, c'est de
l'antisocialisme primaire, et alors qu'est ce qu'on en a à faire…
Bref, toujours difficile de dire les choses sans aussitôt être
qualifié de gauchiste, d'allié objectif de la droite, de fossoyeur
de la gauche…
Il ne faut surtout pas à quelques mois d'élections créer de
division « à gauche »… mais comme on vote très
régulièrement, il n'est jamais venu le bon moment de mettre sur la
table ce qui pose problème… Tant pis je m'y risque en espérant
que les lectrices et les lecteurs prendront la peine de réfléchir
aux arguments, à l'analyse sans verser dans la caricature ou le
repli défensif.
En France, sous les Républiques, nous avons toujours connu des
visions, des offres politiques bien distinctes et qui considéraient
qu'il y avait des divergences profondes quant au système politique,
social ou économique. De manière très claire il y avait le camp
des partisans du capitalisme et de l'autre le camp des partisans du
socialisme. Dans les deux camps il existait également des nuances ,
à droite entre les libéraux purs et durs et les libéraux sociaux
(sic), à gauche entre ceux qui croyaient à un socialisme contraint
et ceux qui espéraient un socialisme de libertés…
Dans ce paysage, le Parti Communiste Français né au Congrès de
Tours a longtemps fait figure de défenseur des plus faibles, des
ouvriers et des employés. Il s'est construit dans la chimère du
paradis socialiste soviétique fuyant le plus longtemps possible la
reconnaissance des crimes staliniens et de l'échec d'un socialisme
autoritaire et liberticide. Cette posture a conduit à ce que son
discours anticapitaliste soit décrédibilisé, les informations dont
on disposait au fil du temps mettant en porte à faux un parti
politique prétendant incarner une alternative démocratique.
De son côté l'ex SFIO qui n'avait pas suivi les décisions du
Congrès de Tours se fourvoie dans les guerres coloniales abandonnant
ainsi le principe de la solidarité ouvrière internationale et
finalement disparaît dans les débuts du gaullisme triomphant. A
gauche ne reste comme principale force que le PCF. C'est dans ce
contexte que, lors des Présidentielles de 1969, le candidat du PCF,
Jacques Duclos arrive en troisième position (21,27%) à deux points
seulement d'Alain Poher (23,31%) pendant que le candidat
« socialiste » Gaston Defferre (SFIO) atteint péniblement
les 5 % devant Michel Rocard (PSU) à 3,61 %. On peut alors
penser que c'est cet événement qui va conduire François Miterrand
après avoir créé la Fédération de la Gauche Démocrate et
Socialiste à engager la démarche de création du Parti Socialiste
qui aboutira au Congrès d'Epinay en juin 1971. Bien que sa motion
n'obtienne que 15 % des voix, Miterrand en s'alliant avec
Mauroy, Deferre et Chevénement prend la direction du Parti
Socialiste. Son discours de fin de congrès est fortement ancré à
gauche : "Celui qui n'accepte pas la rupture, celui qui ne
consent pas à la rupture avec l'ordre établi, avec la société
capitaliste, celui-là n'a pas sa place au Parti Socialiste" .
Miterrand négocie alors un programme de Gouvernement avec le PCF
faisant promesse d'avoir des ministres communistes. C'est le
programme commun signé dès 1972. Le Parti Socialiste s'est fixé
comme objectif de devenir la force dominante à gauche, Pierre Mauroy
avait été très explicite lors de ce congrès d'Epinay : « Une
gauche dominée par le Parti Communiste n'a aucune chance d'accéder
au pouvoir. Une gauche dominée par le Parti Communiste serait le
plus beau cadeau que nous pourrions faire à l'UNR. » C'est
donc dans ce contexte que la Parti Socialiste va se structurer :
un discours anticapitaliste pour reprendre des voix au PCF, une
stratégie de domination pour écarter le même PCF. C'est une
stratégie gagnante, le PS distance rapidement le PCF, celui-ci
devient force d'appoint dès mai 1981 et son histoire jusqu'à
aujourd'hui, sera celle d'un recul électoral quasi inéluctable
d'abord aux Présidentielles mais également aux législatives qui
suivent (Marchais 15,35 % en 1981, Lajoinie 6,76 % en 1988,
Hue 8,64 % en 1995, et 3,37 % en 2002, Buffet 1,93 %
en 2007).
Toute
la vie politique de la fin du XXème siècle se structure donc dans
l'imaginaire social ou dans la conscience des citoyennes et des
citoyens sur cette idée assez simple : la droite c'est l'UNR
puis l'UDR puis l'UMP et la gauche c'est le Parti Socialiste. Le
discours du PS garde les symboles de la gauche, le nom même
entretient la croyance populaire. Il y aurait d'un côté les tenants
naturels du capitalisme et de l'autre une force démocratique qui
viserait à un partage des richesses. Je pense d'ailleurs que pour
beaucoup de militant-e-s du PS cette croyance existe toujours… et
de bonne foi sans doute. Pourtant
la réalité est tout autre, le
Parti Socialiste n'a de socialiste que le nom. Il dit de manière
très claire qu'il ne met pas en cause la capitalisme mais qu'il
cherche à le rendre moins rude pour les plus faibles. Il invente
même des concepts dont on cherche encore la signification, ainsi
dans le programme de 2012 on trouve comme objectif, « l'économie
sociale de marché ». Comme si le marché pouvait avoir une
visée sociale… Il faut être naïf ou inculte en économie pour
imaginer pareille ânerie. Peu importe ce qui est visé c'est de
continuer à faire croire que le PS est la gauche, que sans lui il
n'y a pas d'avenir, pas de prise du pouvoir…
Il est aujourd'hui au pouvoir. En 2012, au lendemain de l'épisode Présidentielle-Législative, il détient, à lui seul, tous les leviers puisqu’il dirige la quasi totalité des régions et plus de 60 % des départements et la plupart des grandes villes. On a rarement connu une telle situation pour la gauche… Tout est donc réuni pour faire une politique de gauche. Je cite pêle-mêle et sans hiérarchie les propositions du PS de 2012 : sortir de la dépendance au nucléaire, refuser le recours aux emplois précaires, égalité hommes-femmes, renchérir le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes, généralisation des achats publics vers l’agriculture et la pêche de proximité (lait et laitages, viandes, fruits et légumes), soumettre les revenus du capital au barème de l’impôt surle revenu, surtaxe de 15 % de l’impôt sur les sociétés acquittée par les banques et les établissements financiers, revalorisation du pouvoir d’achat du SMIC, plafonnement des écarts de rémunérations de 1 à 20 au sein des entreprises qui ont une participation publique dans leur capital…. Nous pourrions poursuivre ainsi la liste de tout ce que vous auriez aimé voir réaliser mais qui ne l'a pas été. En échange vous avez eu la loi Macron qui libéralise encore plus le transport collectif en jetant sur les routes des autocars, qui autorise le travail le dimanche (sans doute une revalorisation du travail…), vous aurez très bientôt la suppression des prud'hommes, le nucléaire se porte bien, je vous remercie, Fessenheim tourne toujours et la transition énergétique reste un beau slogan. Évidemment rien du côté réforme fiscale, rien du côté des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises dont l’État est actionnaire, le SMIC c'est toujours rien, on projette la suppression du CDI pour faciliter la souplesse (sic)… Bref un programme qui pouvait avoir les apparences d'une politique de gauche qui a laissé la place à une politique ultra-libérale dont on peine à distinguer les différences avec celle de la droite.
Cerise sur le gâteau mais ce n'est pas nouveau, le PS a fait sienne l'antienne de la compétitivité. Il faut être compétitif, il faut s'inscrire dans la compétition internationale, « faire la course en tête », « dans un monde qui va de l’avant, il faut rester compétitifs »… Un modèle dépassé totalement inspiré de la philosophie libérale qui se repeint de quelques considération sociales un peu, d'ailleurs, dans la lignée d'Adam Smith, le théoricien du libéralisme qui invite l’État à être gardien de l'intérêt général, qui stipule que la logique d'un marché libre et concurrentiel ne doit pas s'étendre à la sphère financière… Étrange écho aux discours actuels des dirigeants socialistes... qui se parent du modernisme comme Emmanuel Macron alors même que leur théorie date du XVIII ème siècle!
Il est aujourd'hui au pouvoir. En 2012, au lendemain de l'épisode Présidentielle-Législative, il détient, à lui seul, tous les leviers puisqu’il dirige la quasi totalité des régions et plus de 60 % des départements et la plupart des grandes villes. On a rarement connu une telle situation pour la gauche… Tout est donc réuni pour faire une politique de gauche. Je cite pêle-mêle et sans hiérarchie les propositions du PS de 2012 : sortir de la dépendance au nucléaire, refuser le recours aux emplois précaires, égalité hommes-femmes, renchérir le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes, généralisation des achats publics vers l’agriculture et la pêche de proximité (lait et laitages, viandes, fruits et légumes), soumettre les revenus du capital au barème de l’impôt surle revenu, surtaxe de 15 % de l’impôt sur les sociétés acquittée par les banques et les établissements financiers, revalorisation du pouvoir d’achat du SMIC, plafonnement des écarts de rémunérations de 1 à 20 au sein des entreprises qui ont une participation publique dans leur capital…. Nous pourrions poursuivre ainsi la liste de tout ce que vous auriez aimé voir réaliser mais qui ne l'a pas été. En échange vous avez eu la loi Macron qui libéralise encore plus le transport collectif en jetant sur les routes des autocars, qui autorise le travail le dimanche (sans doute une revalorisation du travail…), vous aurez très bientôt la suppression des prud'hommes, le nucléaire se porte bien, je vous remercie, Fessenheim tourne toujours et la transition énergétique reste un beau slogan. Évidemment rien du côté réforme fiscale, rien du côté des rémunérations des dirigeants des grandes entreprises dont l’État est actionnaire, le SMIC c'est toujours rien, on projette la suppression du CDI pour faciliter la souplesse (sic)… Bref un programme qui pouvait avoir les apparences d'une politique de gauche qui a laissé la place à une politique ultra-libérale dont on peine à distinguer les différences avec celle de la droite.
Cerise sur le gâteau mais ce n'est pas nouveau, le PS a fait sienne l'antienne de la compétitivité. Il faut être compétitif, il faut s'inscrire dans la compétition internationale, « faire la course en tête », « dans un monde qui va de l’avant, il faut rester compétitifs »… Un modèle dépassé totalement inspiré de la philosophie libérale qui se repeint de quelques considération sociales un peu, d'ailleurs, dans la lignée d'Adam Smith, le théoricien du libéralisme qui invite l’État à être gardien de l'intérêt général, qui stipule que la logique d'un marché libre et concurrentiel ne doit pas s'étendre à la sphère financière… Étrange écho aux discours actuels des dirigeants socialistes... qui se parent du modernisme comme Emmanuel Macron alors même que leur théorie date du XVIII ème siècle!
Nous
sommes donc aujourd'hui dans une situation dramatique où, pour
les citoyennes et les citoyens, gauche et droite c'est le même
résultat : augmentation de la précarité, pauvreté accrue,
chômage record, inégalités croissantes… Pour les femmes et les
hommes de gauche il reste de
larges
ambiguïtés :
Peut-on
espérer un vrai changement avec un parti dominant à gauche mais qui
a fait siens les mirages du libéralisme ? Peut-on
rompre avec cette idée que le PS c'est la gauche et donc imaginer
construire une alternative au libéralisme, au capitalisme ? Ne
pas voter pour le PS ce serait faire gagner la droite, voire
l'extrême droite… C'est une autre forme du discours
habituel :There
is no alternative...
C'est sur cette base que les françaises et les français se
prononcent lors des scrutins, c'est aussi sur cette base
qu'ils-elles jugent de la politique menée. Ainsi aujourd'hui,
ils-elles condamnent non pas le PS mais la gauche… Parce qu'on a
entretenu via les discours, via les camouflages politiques, l'idée
qu'en dehors du PS la gauche n'existe pas… Le PS c'est la gauche !
Et pour le coup il faut se rappeler les propos de Pierre Mauroy cités
plus hauts. Ce n'est plus le PC qui sert d'épouvantail mais le FN
qui sert d'alibi à la nécessité de se ranger derrière le PS. La
France est malade de cette situation puisque dans la tête de nos
concitoyennes, de nos concitoyens la seule alternative devient le FN
que les médias nous présentent comme la seule force politique qui
n'a jamais gouverné et qui, par voie de conséquence, ne serait pas
responsable de la situation. C'est le relais du discours Lepéniste
sur l'UMPS… Mais ce discours repose sur un constat malheureusement
partagé par les citoyennes et les citoyens et qui s'avère conforme
à ce que nous vivons : la politique économique et sociale du
PS n'est guère différente de celle conduite par l'ex UMP et ses
alliés. Elle conduit aux mêmes résultats.
Les
tentatives des militants socialistes sincères de recentrer la
politique de leur parti, du gouvernement autour des valeurs de la
gauche est vouée à l'échec parce que ce qui se joue va bien
au-delà des frontières… L'oligarchie au pouvoir dans la plupart
des pays européens, celle qui dirige l'Union Européenne a bien
compris qu'en France il fallait continuer à faire croire qu'il
existe deux forces antagonistes seules susceptibles de gouverner de
manière responsable : le PS censé incarner la gauche et Les
Républicains incarnant la droite… La richesse de la vie politique
française est ainsi convertie de force au bi-partisme anglo-saxon.
Il
n'y a pas d'autre solution aujourd'hui, pour sortir de l'impasse du
libéralisme, que de faire émerger d'autres perspectives, sur
d'autres logiques et avec d'autres manières d'agir. La gauche en
tant que telle, construite autour du PS, est morte. N'avoir de visée
que les prochaines échéances électorales pour éviter le retour de
la droite n'a pas de sens. Nous devons nous inscrire dans une
perspective à long terme pour mettre à mal l'idéologie dominante
qui fait croire que nous devons nous plier aux nouvelles réalités
économiques ( le marché mondialisé…) et qui refuse aux
citoyennes et aux citoyens la possibilité de participer au débat.
Les mutualisations, les fusions, les grandes régions que la Loi
Notre met en œuvre sont une autre forme de l'intégration européenne
dont on voit bien que le seul objectif est d'éloigner les peuples
des lieux de décisions afin de faire accepter par défaut ou par la
force les conceptions économiques des classes dirigeantes.
Conceptions dont tout le monde a bien compris qu'elles visaient à
enrichir les puissants et à concentrer tous les pouvoirs dans leurs
mains. C'est bien une étape finale dans la lutte des classes. A
nous d'y faire échec.
29 août 2015
J'avais commencé cet article avant les déclarations de Macron devant le MEDEF.... Étrange écho! Mais j'ai décidé de ne pas en rajouter, la réalité de ses propos, le soutien du premier Ministre sont autant d'éléments qui viennent conforter mon propos.
Ma modeste contribution de citoyen à l'actualité politique du moment.
Posted by Jean Marie Morel on samedi 29 août 2015