Je veux, avant d’expliquer mon vote, saluer le travail
réalisé par Robert, particulièrement pour la partie « Etat des
Lieux ». Complet, sérieux et documenté. Il aurait du permettre un vrai
travail d’analyse de la situation, des enjeux posés à l’enseignement supérieur
en région et des perspectives que nous aurions pu tracer en tenant compte des
approches diverses qui sont les nôtres. Malheureusement ce n’est pas le cas
puisque, d’emblée, le rapport se situe dans la droite ligne de la Loi LRU (Loi
relative aux Libertés et Responsabilités des Universités) et au-delà même dans
les tristes perspectives qu’elle trace.
Ce n’est pas commettre un crime de
lèse-gouvernement que de rappeler que cette loi a été très largement contestée
et combattue par la grande majorité des organisations syndicales étudiantes ou
lycéennes ainsi que par les syndicats enseignants. Plus largement la communauté
universitaire a rejeté cette loi et indiqué combien ses effets seraient
dévastateurs pour l’Université française. Les mouvements de jeunesse et
d’éducation populaire, dans leur champ de compétences, avaient également fait
part de leurs critiques. Placer le travail de la commission dans ce cadre, sans
possibilité de le mettre en cause ne pouvait que conduire à un impossible débat
et à une impossibilité de consensus.
La logique qui transpire tout au long du rapport est celle du
libéralisme et plus largement de l’adhésion au modèle anglo-saxon. Le prétexte
de l’international nous place automatiquement dans une perspective de
l’exacerbation des concurrences considérant que nous ne pouvons refuser ce
modèle qui s’impose à nous. Ce n’est pas notre point de vue. La France a, de
tout temps, défendu son modèle social au travers d’une université ouverte à
tous et dont le projet central est l’élévation du niveau de connaissances, la
recherche associée à l’enseignement et la promotion de ce qu’on avait coutume
d’appeler « les humanités », littéralement « étude de l'humanité ».
Ce modèle n’a rien de passéiste, il s’inscrit au contraire, dans une perspective
moderne qui pense que l’intelligence, la connaissance ne sont pas une
marchandise mais un bien commun de l’humanité.
Les enjeux posés aujourd’hui sont donc à rechercher dans
cette question centrale du partage des connaissances et de l’accès de tous, du
droit de tous d’accéder à un haut niveau de savoirs. Or, que
constatons-nous ? Depuis dix ans, le nombre de jeunes issus des classes
sociales les moins favorisées est en diminution constante. Les écarts n’ont
cessé de s’accroitre. C’est de cela que nous aurions du traiter en priorité
avec des préconisations fortes, précises, des exigences de moyens. De tous ces
jeunes issus des quartiers, des familles ouvrières qui n’imaginent même plus
pouvoir se fixer cet objectif : entrer à l’Université ou dans une grande
école. De tous ces jeunes qui décidant d’y tenter leur chance sont confrontés à
l’échec dès la première année parce que pas préparés, pas accompagnés. De tous
ces jeunes qui contraints de travailler pour payer leurs études voient le temps
qu’ils y consacrent se réduire au point de les contraindre à abandonner. Ce
résultat est à rechercher du côté de moyens accordés à l’enseignement
supérieur, pas à la hauteur des besoins, pas à la hauteur des nécessités.
Combien manque-t-il de profs dans les universités des Pays de la Loire ?
Pas un mot ! Et pourtant en 2011, l’Université de Nantes, par exemple,
disposait d’un plafond de 2015 emplois alors qu’elle en
« consommait » 2034 en ETP dont environ 25% de contractuels… sans
parler des personnels BIATOSS pour lesquels l’UN prélève sur ses fonds propres
de quoi rémunérer 290 ETP.
Le rapport ne dit pas un mot de ces difficultés mais
il propose d’augmenter les moyens accordés à l’enseignement supérieur en les
prélevant sur les familles et sur les étudiants. Même si la préconisation se
contente de renvoyer la responsabilité aux politiques, le rapport est
explicite : il propose clairement de doubler les droits d’inscription de
Licence pour le niveau Master indiquant que cela représente une ressource
supplémentaire de 3,3 M d’€. Il évoque aussi une modulation des droits
d’inscription selon les ressources des étudiants et de leurs familles avec une
augmentation citée de 100 à 1000 €…qui donnerait une ressource supplémentaire
de 20 M d’€. Pour nous c’est inacceptable, c’est une rupture du contrat
républicain. Un jeune entrant à l’Université se doit d’être traité comme un
citoyen autonome ne dépendant ni de la situation de sa famille ni de ses choix
personnels à vivre indépendamment de ses parents et de leurs revenus.
Pour
mémoire, dans les pays nordiques, les études supérieures restent gratuites pour
tous les étudiants de nationalité européenne alors que les étudiants nationaux
peuvent même recevoir des aides de financement extérieures durant leur
formation. Autre approche financière assez cynique tentée par le rapport, faire
payer très cher les étudiants étrangers au prétexte assez curieux que le haut
tarif d’inscription est gage de qualité reprenant une formule « café du
commerce » : « ce qui ne coute rien ne vaut rien »…
« Des formations gratuites sont marquées négativement et peuvent avoir des
difficultés à se positionner à l’international » ! Cela fait
immanquablement penser à la stratégie de certains établissements de santé qui font
venir de riches patients afin de se financer… Intellectuellement inacceptable,
économiquement suicidaire !
La première partie du rapport tente d’aborder la question de
l’échec, de l’exclusion mais sans aller au cœur des problématiques et se
contentant de préconisations très générales « toute initiative originale…
devrait être soutenue par la Région », « l’Etat et la Région doivent
développer les initiatives favorisant la poursuite d’études… »… Evidemment
le cadre social des étudiants n’est pas pris en compte : les questions de
la vie quotidienne, de l’absence de moyens de vie décente, l’obligation de
travailler, la faiblesse du niveau des bourses, l’attribution sur la base des
revenus de la famille et non sur ceux de l’étudiant lui-même le maintenant en
situation de dépendance infantile, les moyens de transport… Bref tout ce qui
pourrait améliorer l’accès et la réussite de chacun(e)…
Ce rapport est un
rendez-vous raté avec les aspirations des jeunes ligériens parce qu’il s’est
obstiné, avec une référence idéologique très identifiée, à situer l’enseignement
supérieur ligérien dans le concert international, de concurrence, de courses
aux résultats et de libéralisme. C’est à l’opposé de ce que nos mouvements ont
toujours défendu. Affirmer « oui mais on ne peut pas faire autrement,
c’est la réalité », c’est accepter de baisser les bras, c’est refuser de
construire un autre modèle social. Vous avez compris que je voterai contre ce
rapport mais M…. M…. l’avait déjà précisé lors de la réunion de bureau mercredi
dernier, ce n’est donc pas une surprise !