mardi 1 novembre 2011

60 000 postes dans l’éducation nationale…

Solution miracle, hérésie économique… Ce sont sur ces deux approches que se concentrent les réflexions sur la situation de l’école… Et si les vraies questions étaient ailleurs ? Le fait pour la droite comme pour le PS de ne poser que cette question est révélatrice, sans doute, d’une incapacité à penser l’éducation. Pourtant depuis des dizaines d’années, militants associatifs, mouvements pédagogiques ne cessent de formuler des propositions pour que le service public d’éducation sorte de la spirale de l’échec.

Alors bien sûr la question des moyens affectés à l’éducation nationale se pose… Mais il n’est pas question, comme on veut nous le faire croire, de créer des postes, il s’agit, en réalité, de RETABLIR ceux qui ont été supprimés par la droite (près de 100000 en 6 ans…). Pendant toute cette période le PS a soutenu les actions des organisations syndicales ou de parents d’élèves qui luttaient conte ces suppressions. Il pensait donc que ces suppressions étaient injustifiées… sauf sans doute pour 40 % d’entre elles puisqu’aujourd’hui il n’est plus question que de 60 000 postes. Sans doute en raison de la nécessaire rigueur qu’il faut afficher en ces temps moroses… Au PS « on est sérieux » !

Mais au-delà des chiffres, quid d’une profonde réforme de l’éducation ?

Au fil des années, l’école en France est restée fondée sur une logique de distribution du savoir. Le maître (qui sait) fait don de son savoir à l’élève (qui ne sait rien ou pas grand-chose). C’est la logique même de l’école dite traditionnelle. L’élève reste passif, il écoute, il obéit aux injonctions du maître (le terme en lui même est significatif de la conception pédagogique)[1].

Toute la formation des enseignants s’est construite sur cette logique. Dans les IUFM, un certain nombre d’intervenants ont tenté, de tout temps, de proposer une autre approche mais ils sont toujours restés minoritaires et si leur discours a pu être repris par l’institution, dans la réalité, dans les actes, rien n’a changé ou si peu... D’ailleurs plusieurs d’entre eux ou d’entre elles ont été sanctionnés pour avoir ainsi cru pouvoir remettre en cause le dogme pédagogique.

Le dernier avatar de la formation professionnelle des enseignants est sa disparition… Les dernières réformes ont mis fin à ce qui restait d’une formation « en alternance » et surtout ont considéré que seule la formation disciplinaire importait renvoyant ainsi à une approche purement théorique et universitaire. Cette réforme renforce encore cette logique distributive du savoir. La pédagogie n’est rien, elle peut s’apprendre sur le tas avec l’appui plus ou moins solide d’un tuteur, d’une tutrice, sans formation particulière mais qui sont censé(e)s accompagner les jeunes enseignant(e)s dans leur itinéraire initiatique. Les dégâts sont considérables (voir le rapport de Jean Michel Jolion remis à Valérie Pécresse en avril dernier).

La priorité d’un gouvernement de rupture sera donc de rétablir la formation professionnelle initiale et continue des enseignants. Elle devra se faire en référence aux travaux et aux expérimentations conduits par les mouvements pédagogiques. Elle devra prendre en compte les attentes et les propositions de tous les personnels actuellement en poste. A cet égard l’expérience de la Loi d’Orientation Jospin de 1989 montre que toute réforme aussi juste soit-elle dans ses fondements et ses propositions ne peut se mettre en œuvre sans y associer étroitement les professionnels.


La question de la réussite scolaire doit être posée, elle aussi du point de vue des démarches pédagogiques mises en œuvre. Lorsqu’un enfant arrive à l’école il est déjà porteur d’expériences, de connaissances mais aussi de craintes, de désirs et surtout de besoins. Son parcours personnel est différent de celui de ses copains, ils sont tous différents. C’est de leurs différences que doit se nourrir la pratique pédagogique des enseignants. De ce point de vue les mouvements pédagogiques ont accumulé à la fois les connaissances théoriques et les expériences pratiques. Ils sont en mesure de mettre en œuvre d’autres manières d’apprendre qui font de l’enfant un acteur à part entière de ses apprentissages. Il n’y a alors plus de maître mais un adulte qui permet à chaque enfant, à partir de ses expériences et de ses désirs, de construire son savoir en le confrontant, au sein d’un collectif, avec celui des autres. C’est donc en changeant profondément les objectifs de l’école et les pratiques pédagogiques que l’on pourra espérer venir à bout du cercle infernal de l’échec scolaire. Ce qui est le plus troublant, c’est qu’à chaque fois que l’actualité vient ébranler la vieille maison Education Nationale, on s’intéresse aux « marginaux », les extraterrestres que sont les militants pédagogiques… On tourne un reportage dans un lycée différent, dans un collège expérimental, dans une école coopérative…puis on range bien vite les documentaires et on oublie jusqu’à la prochaine…

Au fil des années, les réformes se multiplient, l’Education Nationale est, sans doute, le secteur qui connait le plus de textes, de recommandations ou de lois de programmation… Mais ce qui frappe, à chaque fois, c’est l’absence totale de concertation avec eux dont c’est le métier – les enseignants, les infirmières scolaires, les psychologues scolaires, les assistantes sociales…- et avec ceux qui sont directement concernés par l’école à savoir les familles… Par famille il est évident que j’entends aussi bien les parents que les enfants… On ne demandera pas la même chose, évidemment, à des élèves de l’école élémentaire qu’à des lycéens. Encore que, lorsqu’on permet à des enfants de 8 à 10 ans de s’exprimer sur leur école, ils sont capables de formuler des propositions très pertinentes. Les militants de la classe coopérative pourront en témoigner. Il ne pourra donc pas y avoir de vraies réformes, de vraie rupture sans un débat, sans une véritable concertation avec les acteurs de l’éducation. Ce grand débat devra prendre en compte également le point de vue des organisations syndicales, à la fois parce qu’il est légitime mais aussi parce qu’il est la condition de la réussite. C’est par une adhésion profonde à l’analyse conduite collectivement et par un processus collaboratif qu’on pourra enfin réussir une vraie révolution éducative.

Il est, pour moi, évident que la vraie transformation de l’école passe par ces trois pistes incontournables :
La formation des enseignants
Le renouvellement des pratiques pédagogiques
La mise en place d’un vrai débat public sur les questions d’éducation ouvrant la voie à une vraie construction collective et citoyenne

Force est constater qu’il n’y a pas grand-chose de tout cela dans le programme proposé par le PS qui fait même sien le concept de socle commun cher à Xavier Darcos et qui considère que l’enseignement privé doit être associé à la nouvelle politique de sectorisation pour y apporter sa contribution…
Une occasion ratée !

[1] Un maître ou maitre est une personne qui domine (Académie française, « Orthographes recommandées par le Conseil supérieur de la langue française)

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