jeudi 15 janvier 2015

Vivre ensemble... à quelles conditions?

Samedi et dimanche le peuple de France s'est rassemblé en dehors de toute considération partisane, en dépit des tentatives de récupération de certains y compris au plus haut niveau de l’État. Il s'est rassemblé pour dire avec une arme pacifique, celle du soulèvement républicain, que les assassins quels qu'ils soient, n’arriveraient pas à nous intimider. Ces moments que nous avons vécus sont très importants dans l'histoire, non pas d'une nation, mais de celle de la République prise au sens universel. Nous avons vu des femmes et des hommes que nous ne pouvions identifier autrement que dans leur humanité. Sauf à l'écrire sur une pancarte, rien ne distinguait les athées des croyants fussent-ils eux-mêmes musulmans, chrétiens, juifs, bouddhistes... C'est bien l'existence d'une république, reconnaissant dans ses fondements à chacune et à chacun la pleine liberté de conscience, qui permet ainsi à un peuple de se rassembler pour résister pacifiquement à celles et à ceux qui voudraient imposer par la terreur leur manière de lire le monde. Durant ces deux jours nous avons vu des enfants, avec leurs parents, vivre un moment de vraie fraternité au sens fort et républicain du mot. Vivre ensemble... partager les joies et les peines, respecter les idées et les croyances de ses voisins, autoriser le rire sur nos propres conceptions, nos propres comportements. Accepter d'être heurté par les critiques de l'autre, s'autoriser à moquer ses travers sans jamais mettre en cause la personne, l'être humain en ce qu'il est... C'était tout cela qui battait les rues des villes de France. Et puis, lundi matin, tout à coup le bel élan se brise sur une info reprise dans tous les médias: 700 policiers sont mobilisés pour protéger les écoles... juives. La réalité nous rattrape, nos incohérences et, il faut bien le dire comme cela, notre inconséquence, éclatent au grand jour. Vivre ensemble... mais séparer nos enfants au prétexte d'un caractère propre! Pourquoi les enfants des familles chrétiennes, juives, musulmanes, athées sont-ils ainsi séparés dès leur plus jeune âge? Pourquoi leurs parents décident-ils de les soustraire ainsi à ce bel ensemble républicain qu'ils ont pourtant porté avec un grand enthousiasme? Il existe, dans notre république,une école publique, laïque, libre de toute contrainte religieuse, idéologique. Elle accueille tous les enfants quelles que soient les conceptions philosophiques, religieuses, politiques de leurs parents. Elle a pour mission, par le savoir, par la culture universelle, d'accompagner les enfants vers la citoyenneté. Elle tente, avec les moyens qu'on lui attribue et qui sont loin de suffire, de faire vivre ensemble des enfants de toutes origines. Vivre ensemble pour mieux se connaître, mieux se comprendre et donc, se respecter dans ses différences. Pourtant, malgré l'élan républicain de ce début d'année, des familles chrétiennes, juives, musulmanes revendiquent le droit, la liberté (disent-elles) de se soustraire à ces espace social républicain pour enfermer leurs enfants dans une communauté séparée des autres enfants! Liberté disent-elles, école libre osent-ils... Libre de quoi? Libre de cultiver le quant à soi, la vérité révélée, libre de s'affirmer comme les détenteurs de la seule raison? Les événements qui viennent de nous frapper devraient conduire chacune et chacun d'entre nous à se poser cette question: qu'est ce que j'ai fait en tant que parent pour que mes enfants apprennent à vivre avec les autres, pas à côté les uns des autres mais ensemble? Comment ai-je agi pour que mes enfants comprennent que la différence, loin d’être une difficulté est une chance, une richesse? Au début des années 80, nous étions quelques dizaines de milliers à arborer un autocollant sur nos voitures, une carte de France avec ce slogan: la seule école libre c'est l'école publique. Eh bien aujourd'hui cette idée que la liberté ne peut se vivre que dans un espace éducatif partagé entre tous les enfants prend un sens bien particulier. Vivre ensemble en paix, oui à condition de ne pas éduquer nos enfants séparément les uns des autres au motif que notre religion impose qu'ils soient ainsi éloignés de leurs copines et de leurs copains dont les parents pensent autrement.

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