dimanche 11 septembre 2011

Populisme?

Je me permets de citer un billet d'Hervé Jaouen dans le Télégramme. Un rappel bienvenu dans le débat actuel...

Bonne lecture!


POPULISME

Des mots naissent, d'autres disparaissent. Il y a des mots dont le sens évolue au fil des décennies, s'atténue ou se renforce. Il y en a même qui changent de sexe, pardon, de genre. Mais je n'en connais qu'un à avoir viré sa cuti au point de vouloir dire aujourd'hui exactement le contraire de ce qu'il signifiait à sa naissance. Imaginez que blanc veuille dire noir et vice versa. On parlerait de l'âme blanche du diable, de la noire pureté d'un lys. Au bistrot on commanderait un petit blanc bien serré et un ballon de noir sec. Ce serait troublant, non ? Eh bien, c'est ce qui s'est passé pour le beau mot de " populisme, à présent très vilain. Plus personne ne peut ignorer son sens actuel. Populisme : y aller gaiement dans la démagogie, prêcher des opinions d'extrême droite. Créé en 1929 par Léon Lemonnier et André Thérive, le mot se proposait (et se propose toujours : voir le Larousse et le Robert) de définir une école littéraire, de regrouper sous sa bannière alors sans équivoque des romanciers qui feraient des gens du peuple leurs héros, en réaction au roman bourgeois et à son ordre moral, sans tomber dans les excès misérabilistes des avatars du naturalisme.
En 1931 les promoteurs du populisme décident de fonder le Prix Populiste. Premier lauréat : Eugène Dabit pour Hôtel du Nord - que Marcel Carné adaptera au cinéma en 1938. Le palmarès s'enrichira ensuite, et entre autres, des noms de Jules Romains, Henri Troyat, Jean-Paul Sartre, Louis Guilloux, René Fallet, Christiane Rochefort, Bernard Clavel, André Stil, Jean Vautrin, Didier Daeninckx. Le virement de bord du mot populisme va obliger les lauréats toujours en vie - et j'ai le plaisir et l'honneur d'en être - à effacer ce prix de leur biographie. Sinon leurs lecteurs de l'avenir, qui ignoreront l'étymologie du mot, croiront qu'ils ont été récompensés par l'internationale populiste de M. Le Pen, Haiden Berlusconi et consorts. Et n'y comprendront goutte. Ils se diront : « Bizarre, ce ne sont pourtant pas des romans d'extrême droite. ».



Hervé Jaouen (06/05/02) Le Télégramme

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